Le 1er mai 2001, Samson Chukwu était détenu à Granges (VS) en vue de son expulsion. Des policiers ont fait irruption dans sa cellule, l’ont ligoté et immobilisé jusqu’à ce qu’il meure d’étouffement.
Les renvois font partie du quotidien helvétique. La droite populiste UDC a fait passer les expulsions comme une mesure normale et nécessaire, avec ses campagnes de dénigrement et son bourrage de crâne xénophobe. L’année dernière, suite à un nouveau décès survenu à l’aéroport de Kloten, ces mesures de contrainte inhumaines ont été brièvement suspendues. La presse s’est indignée sur le moment, sans que rien ne change. Cette courte pause n’a servi qu’à soulager la mauvaise conscience des gens.
Les vols ont repris peu après. Les renvois se poursuivent dans des conditions inhumaines. Les personnes détenues en vue de leur expulsion ont les pieds et les mains liés, on leur enfonce un casque sur la tête. Si l’on traitait de cette façon des animaux, tout le monde crierait au scandale. Mais dans le climat xénophobe d’aujourd’hui, des pans entiers de la population jugent de tels traitements encore généreux et nécessaires au bien-être des Suissesses et des Suisses. Dans la conscience collective, le fait que des individus y laissent la vie ne constitue qu’une panne banale.
Dix ans se sont écoulés et l’on ne parle plus guère de Samson Chukwu – exécuté par une unité spéciale de la police valaisanne. En pleine nuit, des policiers ont fait irruption dans la cellule de Samson, qui ne se doutait de rien. En raison de sa prétendue résistance (il s’accrochait au cadre de son lit), il est plaqué au sol et ligoté. Cette «technique d’immobilisation» des forces de police aboutira au décès de Samson. Dans le jargon de la médecine légale, on parle cyniquement de «mort subite en détention». Sous l’effet du stress et de la panique, la victime manque d’oxygène et meurt dans d’atroces souffrances. La police avait volontairement pris en compte un tel risque – envisageant donc le décès d’un être humain.
La justice n’a jamais condamné les meurtriers de Samson – au contraire, elle les a remis en liberté. En effet, la justice et les autorités valaisannes ont habilement étouffé le scandale.
Si l’on réfléchit jusqu’au bout, ce n’est pourtant pas le décès d’individus détenus en vue de leur expulsion qu’il faut critiquer, mais toute la logique sous-jacente. Car Samson n’est pas mort par la seule faute de deux policiers. Il y a derrière ce décès tout un système perfide. Les êtres humains sont artificiellement subdivisés en nations et ils sont victimes d’exploitation et d’oppression, de la part d’une hiérarchie pyramidale. Cette logique porte le nom de capitalisme. Elle consiste à classer les individus en fonction du profit escompté: les uns sont intégrés dans le circuit économique et soumis à des lois spéciales, les autres sont mis en détention afin d’être reconduits à la frontière et expulsés.
Bien souvent, les mouvements migratoires tiennent aux décennies de colonisation subie, à l’indifférence des pays européens et au pillage des ressources locales par les multinationales. Aujourd’hui encore, près de neuf millions de personnes – principalement des enfants – meurent de faim chaque année. Des peuples entiers ont été sacrifiés et le sont encore à la soif de profit des grands groupes occidentaux, qui aboutit au pillage et à la traite des êtres humains pour enrichir une minorité déjà privilégiée.
L’Europe érige des barricades toujours plus longues et toujours plus hautes. Tout est fait pour attiser les peurs. Car il s’agit d’empêcher à tout prix les réfugiés – qu’ils soient victimes de persécutions politiques, qu’ils aient fui la guerre ou soient mus par des motifs économiques – d’accéder à la forteresse Europe. Les «intrus» doivent être jetés en prison dans leur pays d’origine, ou du moins dans les pays limitrophes de l’Europe. Les mesures visant à maintenir «propres» les frontières n’ont visiblement pas de limites. La tradition humaniste ne fait plus recette, dans une société régie par l’esprit de profit.
Mais nous n’oublions pas, et c’est pourquoi nous défilons dans la rue, en mémoire de Samson et des autres victimes d’une expulsion (ayant tourné au meurtre). Combattons le principe même des renvois, dénonçons la logique raciste sous-jacente à cette pratique et pas seulement les conditions «inhumaines» dans lesquelles se déroulent les expulsions!
Remember Samson! Pas de pardon! Pas d’oubli!
Manifestation: 1er Mai – 18H00 Gare Sion